dimanche 11 janvier 2009

Le socialisme face aux réalités

Posted in by Arthemesia |


Il y a environ deux années déjà que je me revendique socialiste, mais, avant l’an passé, je ne m’interrogeai guère que sur son fond, c'est-à-dire à son idéologie vieille d’un siècle et, qu’on peut, aujourd’hui encore, remettre difficilement en question lorsque l’on se considère de gauche. Depuis un an, je me suis rendue compte, en m’intéressant de plus en plus à la politique, qu’une idéologie politique conduit forcément à une doctrine économique résultant des convictions, des principes de cette idéologie. Or, on le sait tous, il est difficile actuellement pour le Parti Socialiste de s’accorder de manière unanime sur cette doctrine devant être le fil conducteur d’une politique socialiste. Sur fond de crise, le débat déchaîne les passions : ancrage à gauche ou revirement au centre, la discussion houleuse ne met d’accord personne.
Je m’interroge beaucoup ces derniers temps, et j’en viens à douter de mes propres opinions. Il y a quelques mois, j’étais favorable au mouvement social démocrate et donc au rapprochement du PS vers le parti centriste, en évitant, cela dit, de dévier vers une politique libérale qui se voudrait sociale (enfin je développerais ce point plus loin). L'idée, en somme, était d'aller 'chercher' l'électorat bayrouiste, sans remettre en cause les principes socialistes. Le contexte était cela dit foncièrement différent, le krach boursier n’avait pas encore fait trembler les plus grandes trust - qu'on pensait invincibles. On sentait cependant l’orage arriver avec la crise immobilière des subprimes. Le mouvement social-démocrate m’apparai(ssai)t alors simplement, peut être naïvement, comme l’avenir de l’Europe, et tel un modèle social et économique pour le reste du monde. Après de nombreuses discussions très intéressantes où j’ai pu prendre connaissance des contre arguments de ce modèle économique, et après m’être renseignée sur le sujet de manière plus approfondie, des doutes sont apparus, me laissant sur le carreau, un peu incapable de donner mon opinion et de me situer précisément politiquement, enfin disons économiquement.


Gare au passéisme ou à la droitisation ?

Les uns s’insurgent contre le flirt du PS avec le centre, et voit là une 'droitisation' de la gauche, d’autres pensent que l’acceptation de l’économie de marché est inévitable, ou, plus poussé encore, ne croient plus en l’avenir du socialisme, qu’ils considèrent comme une idéologie dépassée (Manuel Valls). Mais, dans ces cas, peut-on se revendiquer encore du parti socialiste lorsqu’on souhaite un rapprochement vers les communistes ? Pis encore, peut-on continuer à adhérer à un parti politique, dont on considère l’idéologie fondatrice dépassée ? Quoiqu’il en soit, la mondialisation gronde, l’économie mondiale périclite et la plupart des socialistes, aspirant à un nouveau modèle et à la rénovation du parti, sont impitoyablement oubliés par ces changements. Cette mondialisation souvent incriminée, mais hélas inévitable, insuffle un vent de panique et de bouleversement de l'ordre mondial, se traduisant, à l'échelle macroscopique, par une remise en question idéologique.


Social démocratie, social libéralisme…

Revenons-en au vif du sujet, à ce fameux modèle économique tant recherché, espéré. La social démocratie, reconnaissant que l’économie de marché et donc les investissements privés permettent de créer la richesse, propose de fonder une Europe fidèle à de nombreux principes : l’équité de l’ordre social garantie par la richesse produite taxée, l’Etat pouvant intervenir, moraliser et réguler le capitalisme, s’appuyant donc sur l’Etat-Providence de Keynes. Investissements dans les technologies de développement durable, l’écologie. En certains points, fondamentaux, il se démarque du libéralisme : on ne parle pas de Libre Échange, qui a (pour certains, et moi même) une connotation négative, mais de Commerce Equitable, avec le maintien d’un service publique omniprésent sur les plans éducatif, sanitaire, de transports, etc.

Il n’y avait alors qu’un point qui me semblait plus ou moins problématique, c’était l’idée de faire de l’Europe une union fédérale. J’avais à l’esprit que le fédéralisme permettrait à chaque État d’acquérir une certaine autonomie, ce qui, finalement est contraire à l’idée d’unité d’un bloc européen. Finalement, le fédéralisme n’est pas ce qui est de plus problématique, à terme, dans la vision social démocrate. Le fédéralisme permet, finalement, au contraire une plus grande démocratie dans les politiques nationales, choisies par le vote du peuple. En revanche, la mondialisation s'oppose à l'Etat-Providence, ce qui explique la disparition progressive de celui-ci dans de nombreux pays d'Europe, contraints de répondre à la compétitivité mondiale. En somme, les pays libéraux ne voudront pas fixer leurs taxes au même niveau que ces Etats Providence, et cette différence crée une fuite du capital. On sacrifie l'Etat social au profit du capital, seul maître en ce bas monde.

Ce frein à la social démocratie aboutit fatalement à une nouvelle conception du socialisme, bien plus controversée par les antilibéraux (tout comme moi) : le social libéralisme. L’idée même d’un libéralisme social ou inversement est forcément contradictoire. Au lieu d’un service étatisé, le social libéralisme se contente de faire un semblant d’égalité sociale, par compassion ou pour avoir bonne conscience – qui sait, par des aides financières tirées des bénéfices, mais attention, pas trop quand même, il faut qu’il en reste assez pour les « profiteurs ». Un exemple volontairement exacerbé : au lieu d’une éducation nationale gratuite et accessible à tous, on privilégiera les bourses accordées aux plus défavorisés pour leur permettre de se payer une école privée, quand l'Etat se sera déresponsabilisé de l'école publique. Le plus inquiétant, c’est que ce soi disant socialisme est dépendant de la santé des marchés financiers. Comment faire perdurer l’égalité en cas de crise financière/économique ? Peut-on affirmer que les acteurs de ce pseudo libéralisme au service du socialisme ne seront pas encore et toujours tentés par les sirènes du profit ? Et dans le cadre d'une social démocratie, qui fixerait les règles sensées apporter plus de vertu au capitalisme ? Comment les imposer et comment pouvoir faire confiance ? La finance n'est-elle déjà pas suffisamment irrationnelle sans apporter une notion comme la confiance, qui est loin d'être basée sur la raison ?


L'extrême gauche… des valeurs sûres ?

Je me renseigne très peu sur les partis communistes, étant sceptique dès le départ, car très réticente aux partis d’extrêmes de manière générale. Cependant, j’ai toujours également considéré les communistes comme les garde-fous de notre société. Sans profonde conviction, mais d’une pensée sincère, les communistes me paraissent encore indispensables à la défense des travailleurs, et des couches sociales moyenne et modeste. De plus, je reconnais en Besancenot une qualité assez incroyable à rassembler et à dépoussiérer l’image du communisme, ou de l’anticapitalisme. Toutefois, mon scepticisme est d’autant plus grand que j’ai l’impression que leurs idées politiques –pas leur idéologie– sont basées sur du conditionnel. Et si les Etats-Unis basculait communistes, le monde se porterait bien mieux. Et si le marxisme était appliqué, l’homme ne serait plus exploité par l’homme. Mais le problème fondamental du communisme est posé : pour que le système communiste fonctionne, il faudrait que tous les pays entrent dans ce système. Communisme ou capitalisme ont besoin du même moteur finalement pour fonctionner : le Monde entier. La réalité est quoiqu'il en soit celle-ci : on est en pleine mondialisation, c’est l’économie de marché qui gouverne - et qui a l'air d'avoir encore de beaux jours devant elle - et tout cela n’est pas prêt de changer.

Alors, en attendant, on fait quoi ?

1 commentairesLe socialisme face aux réalités


  1. Orkoma

    Déjà, bravo! Beau texte, rempli de nombreuses idées intéressantes et de bonnes analyses. Alors voilà ma maigre contribution:

    Je me réclame volontiers "marxiste/communiste de cœur et socialiste de raison".En effet le communisme est une utopie, car les instincts de l'Homme sont des instincts individualistes, cupides en argent et en pouvoir, et donc on aura toujours des dictateurs à la Lénine, Staline, Mao, Castro...

    Et donc, socialiste. Mais déjà, qu'est ce que le socialisme? Un système politique et économique opposé au libéralisme économique (j'y reviendrais) qui prône, comme Jaurès ou Blum, la répartition des richesses, une couverture sociale et médicale pour tous,un service public de qualité et financé par des impôts forcément assez élevés (bah oui, ça coute cher la santé, l'éducation, les transports, la sécurité...) mais répartis équitablement selon les revenus de chacun... Bref, la mise en avant de l'égalité. Mais ce système accepte malgré tout le capitalisme, tout en soutenant une intervention de l'État, surtout en tant que garde-fou (État-Providence de ce cher Keynes).

    Dès qu'on est d'accord là-dessus, on peut se demander: quel socialisme pour aujourd'hui? Il y a donc les 2 hypothèses que tu as mises en avant:

    - le social libéralisme ou sociale-démocratie (à la Strauss-Kahn, Fabius, la "Third Way" de Blair, le "Démocratisme" américain... bref, la plupart des partis européens), où il y a un consensus de centre gauche, opposé à une droite dure et très très à droite, ce qui permet au PSD de reprendre certaines idées libérales économiques.
    ATTENTION: je pense qu'il ne faut surtout pas confondre le libéralisme économique (le marché tout-puissant) et le libéralisme politique (le fait de défendre les libertés individuelles, et pas de donner raison à l'individu face au groupe). En effet, la droite, en se disant "libérale", s'approprie la défense de la liberté et montre la gauche comme l'oppression (l'État empêchant les choix des individus, les forçant à agir d'une certaine façon...) alors que ce serait plutôt le contraire actuellement...

    -le rapprochement vers l'extrême-gauche, c'est à dire une union de toute la gauche pour lutter contre les vilaines forces capitalistes prônant le libre-échange et l'ultra-capitalisme. Je me rapprocherais plutôt de cette vision des choses, vu mes idéaux de base, mais pour des raisons de modération dans l'application des mesures sociales (du socialisme au communisme, il y a quand même la collectivisation des moyens de production, la suppression du marché, la planification de l'économie et la suppression de la propriété privée, ce qui n'est pas rien), cet alliance me semble impossible.

    Bref, ma position serait de rester ancré dans des valeurs de gauche "passéistes" pour certains, car c'est, je pense, le seul moyen de se montrer comme vrai opposant à la droite ultra-dure en train de se mettre en place actuellement face à nous.
    Après, il reste la question de programme, de parti, d'alliances, de leader, de candidats, de primaires, de courants... mais bon, ce n'est pas vraiment le sujet.

    16 septembre 2009 à 14:42

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