lundi 5 octobre 2009

Semblant d'article sur la peine capitale

Posted in by Arthemesia |

A l'heure où la répression prime sur la prévention, où les débats sécuritaires déchaînent les passions, où les mesures contre la récidive se multiplient, il est de notre devoir de vous soumettre la position de notre journal sur la question sensible de la peine capitale, à laquelle nous sommes éminemment hostiles.

Tout d'abord, une question semble fondamentale dans le débat de la peine capitale : Qui, même au nom d'une institution telle que la justice, a le droit de décider légitimement de la mort d'un homme ou de sa grâce ? Personne, car si nous naissons égaux en droits et que ces droits sont inaliénables, comme le prescrit notre si chère Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, rien ne justifie qu'un homme ait la légitimité de décider de la mort de quelqu'un et qu'un autre soit puni pour un acte identique. Cette même Déclaration des Droits de l'Homme, qui pose en grande partie les principes, les fondements de notre démocratie s'oppose à l'idée de mise à mort par l'Etat. Quelle crédibilité aurions-nous aux yeux du reste du monde, en tant que citoyens du pays des Droits de l'Homme, si nous appliquions une sentence aussi contestée par les ligues défendant ces droits ? Il est évident que nous n'en aurions aucune. En outre, l'exécution institutionnalisée de criminels – qui n'en restent pas moins hommes – est extrêmement dégradante, avilissante pour la société qui cautionne cette sentence, pour le juge qui la prononce, et pour le bourreau qui l'exécute.
Nous nous devons de rappeler, de surcroît, que la justice est faillible et que la mort d'un innocent serait une peine irréparable. La peine capitale provoquerait deux victimes pour le prix d'une, mettant le pouvoir judiciaire dans l'incapacité de réparer ses fautes. Admettons que, sous le coup de la fureur, nous soyons tous capables de souhaiter la mort d'un criminel, la justice n'est-elle pas censée apporter à l'affaire du recul, pour ne pas que justice rime avec vengeance et partialité ? Celle-ci doit juger sur des faits et non sur des ressentiments. Enfin, pour que justice soit proclamée, le criminel doit être repenti au terme de sa peine. Or, la peine de mort mène plutôt le criminel à réfléchir sur sa propre vie, et sur sa mort future, plutôt qu'à celle qu'il a ôtée ou aux actes commis. A l'inverse, la prison confronte le détenu à son image de criminel, il dispose de temps et mène un mode vie austère qui le contraint à réfléchir à l'atrocité de ses actes. Les remords qui l'annihileront pendant des années de réflexion et de confrontation avec soi constituent une peine finalement plus punitive que celle de la mise à mort, qui ne le fera pas évoluer, ni même inéluctablement regretter son geste.
En définitive, au nom du respect de l'humanité, au nom de la croyance en une justice impartiale et efficace, notre journal manifeste son opposition, son aversion envers la peine capitale.
mardi 30 juin 2009

La chambre

Posted in by Arthemesia |

Elle dormait encore, paisible, insouciante.
Les cafards grimpaient habilement sur nos inconfortables lits d'hôtel social.
Nerveusement, je les chassai et les écrasai par terre avec un chausson troué : « Je ne devrais pas faire ça, ils seront encore plus nombreux si je les écrase... » me dis-je, décontenancée. C'était irrationnel d'éprouver une satisfaction à les piétiner, sachant pertinemment qu'ils n'en seraient pas moins nombreux, bien au contraire. Pourtant, en accomplissant ces gestes névrotiques je sentais - à tort - sur le moment que j'avais un certain pouvoir. C'était objectivement faux ; je pensais les détruire en m'acharnant comme je le faisais et cette pensée me semblait tout-à-fait logique... or, c'était une chimère. Je n'avais pas le moindre pouvoir, ni sur ces cafards dégoûtants, ni sur ma vie ni sur celle des autres.
Elle se réveilla. Je ne la comprenais pas, rien ne semblait la gêner, ni ces cafards, ni cette chambre insalubre. Elle souriait, se tortillait dans son lit - s'étirait, son rituel matinal - se frottait les yeux en faisant la moue, j'avais envie de croquer dans ses joues dodues et douces. Nous vivions dans cette chambre qui, pour moi, n'en n'était pas vraiment une. Mais pour elle, l'illusion persistait, elle n'avait connu que de telles chambres, ne sachant ce qu'était que dormir dans un lit propre, alors ces pièces qui faisaient semblants d'être des chambres en devenaient réellement dans son esprit. La vie est une belle arnaque, hein ? Les chambres qui n'en étaient pas vraiment faisaient semblant d'être des chambres et les cafards faisaient semblant d'être morts. La cuisine aussi était une pièce fétide qui feignait être ce qu'elle n'était pas, et ne serait jamais - en tout cas, à mes yeux - malgré ses efforts continuels de persuasion. J'eus un relent du dîner d'hier soir (qui simulait être un vrai dîner également), puis je me levai ; impatiente je lui dis : «Si nous descendions ? Tu prendras un chocolat bien chocolaté et moi un café bien noir.» Elle me répondit simplement d'une voix fluette : «D'accord !».
Elle me dégoûtait, elle aussi.