lundi 1 juin 2009

Justice sociale : un leurre ?

Posted in by Arthemesia |

Parfois, je me demande si les humains sont réellement séduits à l'idée d'une justice sociale...
De nos jours, en Occident, la pauvreté est essentiellement relative, et nous satisfaisons nos besoins fondamentaux. En revanche, la société dans laquelle nous vivons nous incite à envisager des nouveaux besoins, qui ne sont ni nécessaires à notre survie, ni indispensables à notre quête du bonheur (si on considère cette notion telle que si subjective et complexe que l'argent seul ne peut pas l'atteindre). L'argent, qui prétend se substituer au bonheur, est devenu une fin et non un moyen, dans une méritocratie où celui qui réussit est honoré, et celui qui échoue, faute d'opportunité, de chance, est humilié. La quête de l'argent prime sur les initiatives solidaires, et inutile de dire que cette quête contribue à nous déshumaniser. Elle nous déshumanise en effet car l'abondance de richesses - dont nous nous plaisons à nous abreuver - nous contraint à penser, de la misère environnante pour nous déculpabiliser de notre avarice et de notre cupidité : "cette injustice est une fatalité, à laquelle je ne peux rien". Or les inégalités sociales sont loin d'être un sort immuable auquel nous ne pouvons que nous résoudre. Les inégalités sociales ne résultent en effet pas d'un manque mais d'une inégale répartition.
En revanche, peut-il exister une richesse relative, une manière de se distinguer socialement, si l'autre possède presque autant que moi ? Évidemment non. Je suis riche, parce que l'autre est pauvre. Je me distingue de l'autre, parce que je possède quelque chose qu'il n'a pas et ne pourra jamais acquérir. Donc, le fait de jouir de sa richesse est profondément cynique, au sens le plus immoral, car cette jouissance n'est possible qu'en coexistence avec l'exclusion sociale, la misère d'un autre. Cette cruauté est malheureusement ancrée dans nos mœurs : quel parent n'incite pas son enfant à bien gagner sa vie ? Le partage n'est plus une notion vertueuse, il est à présent considéré comme une notion utopique, irréaliste, admirée seul par les bien-pensants. La vertu qu'on admirait hier est une sensiblerie qu'on méprise aujourd'hui.
Par ailleurs, cette quête d'argent, qui est le signe extérieur de réussite, peut-elle être compatible avec une équité sociale ? Je n'en suis pas convaincue. Avant notre régime républicain et libéral, les prolétaires n'avaient aucune chance d'accéder à la classe dirigeante. Leur amertume était le moteur de réflexions, de révoltes, voire de révolutions visant à bouleverser l'ordre social. Aujourd'hui, notre société libérale feint la justice sociale, en nous convaincant de la possibilité de grimper l'échelle sociale par notre seule volonté et force de travail, ce qui, en conséquence, amenuise grandement l'aspiration à un monde plus juste, plus égalitaire, puisqu'on nous affirme qu'il existe d'ores et déjà. Cette feinte étouffe l'aspiration à un autre monde, elle nous abêtit. Finalement, en terme de proportion, c'est toujours la duplication sociale qui l'emporte sur l'intégration et la réussite de groupes sociaux défavorisés.

Serions-nous prêts à renoncer, du moins en partie, à une richesse relative pour parvenir à un semblant de justice absolue ?

3 Comments


  1. Nobu

    Je pense aussi que la quête du pouvoir n'est pas compatible avec la notion de partage de soi et de justice.
    Tu as parfaitement résumé ma pensée =)

    16 juillet 2009 à 12:31

  2. Lora

    Alors, tout d'abord, ce commentaire n'est pas exclusivement réservé à cet article, mais à l'ensemble du blog. Je voulais particulièrement te féliciter sur la forme de tes textes ; comme tu le sais déjà, je trouve que tu as une très jolie plume. A part celà, je voulais également te féliciter sur le fond de tes écrits ; ton regard sur la société, ta vision du monde est juste et tu aimes à dénoncer les injustices, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur forme... Tes articles "Justice sociale : un leurre ? " et " Peine de mort " m'ont particulièrement frappés, non pas du fait qu'ils soient choquants, mais plutôt et surtout par leurs contenus... Il est vrai que la société, dans laquelle nous vivons actuellement, ne pense qu'aux profits... mais c'est ainsi, et je ne pense pas qu'avec les années ce constat va s'arranger... peut-être suis-je un peu trop pessimiste... A part celà, au sujet de la peine de mort, je n'ai rien d'autres à ajouter, car il me semble que tu ais tout dit... Sur ce, je te souhaite une très bonne continuation !

    11 septembre 2009 à 08:59

  3. un professeur attentif

    Ces écrits sont d'excellente facture. La société libérale est néanmoins un produit matériel humain, qui comme beaucoup de produits matériels, devrait disparaître. L'argent, le profit, assez facilement confondus ici, n'est qu'un voile, affirmait Jean-Baptiste Say. Un voile pour satisfaire l'intérêt individuel. C'est cet individualisme qu'il va falloir combattre. Et sur ce point, je suis trés pessimiste car il me semble inscrit dans les gènes de l'homme.

    25 septembre 2009 à 15:03

Leave a Comment