mardi 30 juin 2009

La chambre

Posted in by Arthemesia |

Elle dormait encore, paisible, insouciante.
Les cafards grimpaient habilement sur nos inconfortables lits d'hôtel social.
Nerveusement, je les chassai et les écrasai par terre avec un chausson troué : « Je ne devrais pas faire ça, ils seront encore plus nombreux si je les écrase... » me dis-je, décontenancée. C'était irrationnel d'éprouver une satisfaction à les piétiner, sachant pertinemment qu'ils n'en seraient pas moins nombreux, bien au contraire. Pourtant, en accomplissant ces gestes névrotiques je sentais - à tort - sur le moment que j'avais un certain pouvoir. C'était objectivement faux ; je pensais les détruire en m'acharnant comme je le faisais et cette pensée me semblait tout-à-fait logique... or, c'était une chimère. Je n'avais pas le moindre pouvoir, ni sur ces cafards dégoûtants, ni sur ma vie ni sur celle des autres.
Elle se réveilla. Je ne la comprenais pas, rien ne semblait la gêner, ni ces cafards, ni cette chambre insalubre. Elle souriait, se tortillait dans son lit - s'étirait, son rituel matinal - se frottait les yeux en faisant la moue, j'avais envie de croquer dans ses joues dodues et douces. Nous vivions dans cette chambre qui, pour moi, n'en n'était pas vraiment une. Mais pour elle, l'illusion persistait, elle n'avait connu que de telles chambres, ne sachant ce qu'était que dormir dans un lit propre, alors ces pièces qui faisaient semblants d'être des chambres en devenaient réellement dans son esprit. La vie est une belle arnaque, hein ? Les chambres qui n'en étaient pas vraiment faisaient semblant d'être des chambres et les cafards faisaient semblant d'être morts. La cuisine aussi était une pièce fétide qui feignait être ce qu'elle n'était pas, et ne serait jamais - en tout cas, à mes yeux - malgré ses efforts continuels de persuasion. J'eus un relent du dîner d'hier soir (qui simulait être un vrai dîner également), puis je me levai ; impatiente je lui dis : «Si nous descendions ? Tu prendras un chocolat bien chocolaté et moi un café bien noir.» Elle me répondit simplement d'une voix fluette : «D'accord !».
Elle me dégoûtait, elle aussi.

2 Comments


  1. Loo says:

    C'est bien écrit dis donc!

    14 juillet 2009 à 00:27

  2. Sunsh Holi says:

    Beurk des cafards. :/

    Très joli texte, ecrit avec justesse.

    14 août 2009 à 04:27

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